dimanche 20 septembre 2009

19 juillet 2011 : 16 mois après la création de République Solidaire, Dominique de Villepin se déclare candidat aux élections de 2012

Retrouvez ce texte dans le roman de Jean-Jacques Reboux, JE SUIS PARTOUT (les derniers jours de Nicolas Sarkozy).

Pour en savoir plus, ayez l'obligeance de vous reporter au SITE OFFICIEL du ROMAN, ainsi que sur le site du CASTING. Vous pouvez également lire les PREMIERS CHAPITRES du roman.




Rue 89 publie en exclusivité une tribune de Dominique de Villepin, dans laquelle le président de Pour une République Solidaire fustige l'attitude de l’Elysée, après la disparition inexpliquée de Nicolas Sarkozy (absent des cérémonies du 14 juillet, et dont on est sans nouvelles depuis) et annonce qu'il serait candidat aux élections présidentielles de 2012.

Dans ce texte, refusé par Le Figaro, l'ex-Premier ministre lance un appel à l’unité nationale et appelle tous les Français à le rejoindre.





Pourquoi je serai candidat en 2012

par Dominique de Villepin


Longtemps, la France a vécu sous le joug de monarques aveugles, insensibles aux souffrances des deshérités. Il a fallu du temps avant que la Nation tout entière ne se soulevât pour mettre un terme aux injustices de temps Dieu merci révolus.

Depuis la Révolution de 1789, les eaux ont coulé sous les ponts de ce qui est devenu la République. Des eaux parfois claires, limpides, parfois troubles, saumâtres. Des eaux trop souvent rougies par le sang des fusillés, exhalant la puanteur des cadavres. Le dernier de ces massacres, il est bon de le rappeler à ceux qui ont la mémoire courte et qui pensent que l’homme africain n'est pas entré dans l'Histoire, date d’il y a tout juste 50 ans, en 1961, quand la Seine charriait par centaines les corps des Algériens assassinés par une police aux ordres d’un préfet belliqueux, raciste, dernier avatar d'un colonialisme dont la République a cru bon de sceller dans une loi les bienfaits et pas assez dit à quel point il avait été cruel envers les peuples colonisés.

A chaque fois, il s'est trouvé dans notre pays des femmes et des hommes pour se lever contre les tyrans, la barbarie, le culte du sang versé, les vieux atavismes claniques, l’insup-portable litanie des complots, des coups d'Etat, des sales guerres.

A chaque fois le peuple de France a su briser ses chaînes et, par-delà les haines recuites, les rancœurs ancestrales, tisser des toiles entre ceux dont on pouvait penser qu'ils étaient à jamais irréconciliables.

A chaque fois le coq gaulois, fier, gaillard, pas trop toujours très bien embouché il est vrai, a su se redresser, et expédier loin de ses ergots les ferments de la discorde.

Au bout du compte, la France, ce vieux pays forgé par deux mille ans d'une histoire haletante, n'ayant jamais ménagé sa peine afin de faire chanceler l'airain des citadelles, de vaincre les périls les plus menaçants, notre pays a toujours su bâtir des horizons nouveaux, plus riches, plus solidaires – jamais assez hélas. En un mot, il n'a cessé de renaître.

De 1789 à la Commune de Paris, des Trois Glorieuses à la Libération, de la Résistance aux guerres contre l'asservis-sement colonial, nos livres d’histoire témoignent combien notre belle et grande Nation a été labourée par la parole d’hommes de cœur, d'esprit, de raison.

Il y a fort longtemps, l'un d’eux écrivait ceci. "Les fléaux célestes ne durent qu'un temps ; ils ne ravagent que quelques contrées, et les pertes, quoique douloureuses, se réparent : mais les crimes des rois font souffrir longtemps des peuples entiers."

L'auteur de ces lignes ne s'appelait pas Clemenceau.

Il ne s'appelait pas Blum.

Il ne s'appelait pas Jaurès.

Il ne s'appelait pas de Gaulle.

Il ne s’appelait pas Simone Veil.

Il s'appelait Louis Capet, et les Français – élevés à l'école républicaine – qui le connaissent sous le nom de Louis XVI, savent quel lourd tribut il dut payer pour entrer dans l’Histoire.


Cette maxime, deux siècles plus tard, résonne étrange-ment dans nos consciences, alors que le chef de l’État, qui nous avait habitués depuis quatre ans à une présence écrasante, autoritaire, asphyxiante, un règne sans partage, a disparu sans laisser d'adresse, emportant avec lui les clefs du pouvoir, qui ouvrent aussi, rappelons-le, l'effrayante boîte de Pandore nucléaire.

Il n'est bien entendu pas dans mes intentions de comparer les crimes passés des despotes avec les méthodes auto-ritaires, les atteintes aux libertés publiques du prince actuellement au pouvoir. Un pouvoir sans pitié pour les faibles, les "éliminés de la société", pour reprendre l'expression d'un grand peintre corrézien poète à ses heures (1). Un pouvoir toujours plus compréhensif avec les puissants, les nantis. Un pouvoir qui porte un nom, celui de Nicolas Sarkozy. Un pouvoir qui porte une marque, celle du mépris, de la répression des luttes citoyennes, des opérations de basse police et, pour tout dire, de l'infamie, de l'aveuglement.

Il y a, monsieur le président, dans vos accents va-t-en-guerre, votre ardeur à vous faire le héraut d'un peuple dont vous semblez par ailleurs si peu au fait des difficultés dans lesquelles la crise – qui a bon dos – et l'injustice de votre politique l'ont plongé, dans cette fringale obscène qui vous fait sans cesse vous agiter dans tous les sens pour tenter de faire croire que la bougeotte prime l'action, à tel point que les citoyens de ce pays vous ont affublé du sobriquet "Je suis partout", il y a dans tout cela quelque chose de nauséabond, comme un air de déjà-vu qui nous fait craindre le pire pour la cohésion sociale de notre pays.

Cela nous rappelle les pestilences de l'abjecte époque où les Français divisés, abandonnés par des dirigeants peureux, pactisant avec l'occupant nazi – exception faite de celui dont vous aurez toutes les peines du monde à faire croire que vous l'avez en d'autres temps chéri, je veux parler bien sûr de Charles de Gaulle –, une époque où les Français ne s'aimaient pas, passant plus de temps à se détester, se dénoncer et, pour finir, se parjurer, se déshonorer, perdre leur âme et, hélas, parfois leur vie.

Monsieur le président, il y a six ans, en 2005, alors que vous étiez ministre de l’Intérieur – à l'occasion de la fête nationale, ce 14 juillet ciment de la République qu'on ne vous a pas vu célébrer cette année (2) –, vous adressant à celui qui vous précéda à la tête de l’Etat, Jacques Chirac, dont je fus le Premier ministre et dont je reste le fidèle ami, vous avez dit – et il me semble qu’à l'époque nul n'aurait eu le mauvais esprit de vous suspecter de ne pas avoir toute votre tête –, vous avez dit : "Si vous me permettez en ce 14 juillet un parallèle historique, je dirais que je n’ai pas vocation à démonter tranquillement des serrures à Versailles pendant que la France gronde. Car depuis vingt ans, à force d’immobilisme, à force d’user de la langue de bois, à force d’éluder et d’esquiver, on ne voit pas la France qui gronde."

La formule, reconnaissons-le, n'était pas sans panache, ni dénuée d’audace. Au regard de la situation actuelle, ce parallèle historique que vous évoquiez avec ironie vient de rebondir comme un boomerang, et c'est sur votre tête, monsieur le président, que la flèche est retombée, avec cruauté, avec grand fracas.

Le bruit court que vous vous seriez retiré à Versailles… Versailles où il y a deux cents ans le roi Louis XVI s'était calfeutré pour se mettre à l'abri de la colère du peuple… Versailles d’où vous n'entendez plus cette clameur, qui vous semblait si volubile en 2005, et qui n'a pourtant cessé d'enfler depuis que vous êtes au pouvoir…

Non, monsieur le président, vous ne vous trompiez pas lorsque vous tanciez le président Chirac. Cette clameur, c'est bien celle de la France qui gronde et hurle sa colère, c'est bien cette blessure à laquelle vous êtes insensible. C'est celle de l'insurrection, de la guerre civile. Ces roulements de tambour – ouvrez les fenêtres de votre palais, le vent vous les portera – ce sont ceux de la République en ébullition.

Monsieur le président, avec tout le respect que je vous dois je vous le dis solennellement : ouvrez les yeux. Ouvrez grand vos fenêtres, pensez à Napoléon qui chaque matin au réveil respirait "l’air que Dieu fait". Ouvrez-les avant qu'il ne devienne irrespirable. Faites face à vos responsabilités, mettez votre cœur à l'ouvrage, revenez dans le jeu de la démocratie, armez-vous de la seule arme qui vaille, celle du courage.

Si vous ne le faites pas, votre ferez le lit de votre défaite, et ce sera le triomphe de Cassandre, car les temps ne seront pas loin où nos concitoyens se dresseront les uns contre les autres, et retentiront alors dans nos villes et nos campagnes ces chants guerriers où l'on conduisait les aristocrates à la Lanterne pour les y pendre haut et court.

Est-ce cela que vous voulez ?

Louis XVI, encore lui, dont je sais, monsieur le président, que ses maximes sont à votre chevet — l'ironie du sort vous faisant passer beaucoup de temps à l'endroit même où il vivait entouré de sa cour, et de ses serrures – Louis XVI disait aussi ceci : "En politique, on devrait faire un recueil de toutes les fautes que les princes ont faites par précipitation, pour l'usage de ceux qui veulent faire des traités et des alliances. Le temps qu'il leur faudrait pour les lire leur donnerait celui de faire des réflexions qui ne sauraient que leur être salutaires."

Je n'aurai pas la cruauté de vous conseiller cette initiative. La liste serait trop longue, et le temps presse. Il me vient pourtant l'espoir, en écrivant cette supplique, que le temps que vous aurez pris pour la lire vous apportera le renfort décisif, salutaire, de la réflexion.

Si vous ne le faites pas pour vous, faites-le pour vos compatriotes. C’est le moins que vous puissiez leur offrir ! Et si leur sort vous est indifférent comme nombre d’entre nous sont fondés à le croire, faites-le en souvenir du roi Louis XVI, qui n’était pas, loin s'en faut, le plus sanguinaire des despotes. Vous verrez que l’Histoire vous en saura gré, en vous offrant un peu plus que le strapontin sur lequel vous êtes assis, que votre cécité vous fait prendre pour un trône.

Et n’oubliez jamais, monsieur le président, que si l'on ne décapite plus les monarques en France, les habitants de notre vieux pays, quand ils se mettent en colère, n’y mettent pas toujours les formes. Il n'est jamais vain de méditer cette antienne puisée dans un petit livre (3) que des milliers, des millions de personnes s'arrachent depuis maintenant trois ans. "Gouverner n’a jamais été autre chose que repousser par mille subterfuges le moment où la foule vous pendra."

Voilà, n'est-ce pas, qui donne à réfléchir…


Ne pensez-vous pas, monsieur le président, que soit révolu le temps des subterfuges? Ne voyez-vous pas que de lourds nuages se sont amoncelés, menaçant la paix civile? Ne voyez-vous pas que vous êtes dans l’œil du cyclone?

En 1815, Prosper Duvergier de Hauranne, historien mémo-rialiste de Napoléon Ier, écrivait : "C'est toujours un spectacle à la fois triste et comique que de voir un roi sans peuple." Ce roi sans peuple, sauf votre respect, n'est-ce pas celui dont vous croisez chaque matin le regard fatigué dans votre glace ? Ne voyez-vous pas qu'à force de surgir de partout vous êtes devenu ce triste prince de nulle part dans les gazettes du web se font l'écho depuis quatre ans?

Ne pensez-vous pas, monsieur le président, que la plaisanterie a assez duré ? Où est passé l'honnête homme qui montait à la tribune de Nice en 1975 aux côtés de Jacques Chirac ?

Pour ma part, s’il m'est arrivé par le passé d'avoir commis des erreurs, des fautes politiques – et j'en ai fait ma part –, j'ai toujours essayé de faire amende honorable, de ne pas me brouiller avec ma conscience, et, au bout du compte, je crois pouvoir dire sans forfanterie que je n'ai pas à rougir de mon parcours.

J'ai réfléchi, monsieur le président, j'ai bien réfléchi. Et c'est en conscience que je m'adresse à vous, et au-delà de votre personne au peuple de France souverain, pour vous dire que j'ai la ferme intention, si Dieu me prête vie – et si la justice de mon pays ne s'y oppose pas, par je ne sais quel décret sorti du chapeau magique de vos juridictions d'exception – de me présenter devant le suffrage universel, qui décidera en 2012 du nom de votre successeur à la présidence de la République.

Le moment venu, je publierai la liste des personnalités (5), et elles sont nombreuses croyez-le bien, qui me soutiennent dans cette tâche.

Si je suis élu, je formerai, je m'y engage solennellement, sur cette place des Libertés qu’est devenue la Rue 89, un gouvernement d'union nationale, composé de toutes les familles politiques.

Ce sera le gouvernement de la Concorde, cette place que vos pieds, monsieur le président, ne foulent plus qu’au figuré (4).

Vive la République!

Vive la France !

Vive la Liberté et les Libertés publiques!


Dominique de Villepin,

Paris, le 18 juillet 2011




(1) Dominique de Villepin fait vraisemblablement allusion au peintre de l'art brut Gaston Chaissac, auteur de Le laisser-aller des éliminés, Lettres à l'abbé Coutant (Plein Chant, 1979)

(2) Rappelons que le président Sarkozy n'était pas présent aux cérémonies du 14 juillet 2011.

(3) L’Insurrection qui vient, Comité invisible (La Fabrique, 2007)

(4) En juillet 2011, cela fait déjà plusieurs mois que le président Sarkozy, hanté par le sort qui fut réservé au roi Louis XVI à cet endroit, interdit aux cortèges présidentiels de traverser la place de la Concorde.


(5) La liste complète des conjurés figurera bien entendu dans le roman.